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État des lieux

Lucie Rocher

Exposition
Ouverture

Présentée parallèlement à l’exposition The Gathering de John Boyle-Singfield.

État des lieux s’appréhende telle une série de micro-chantiers photographiques ; une mise en exposition des lieux de construction que Lucie Rocher observe ici et là, d’une ville à une autre. À travers cette recherche formelle et matérielle, l’artiste explore les particularités et subtilités du bâti, les standardisations et transformations urbaines résultant de la déconstruction incessante et de la reconstruction immédiate d’immeubles de plus en plus démesurés. Outre ces structures en élévation surchargées d’échafaudages à la stabilité précaire, Rocher photographie également des parcelles d’expérimentations en atelier — révélations de ses processus empiriques développés durant des séjours de résidences. L’objectif est de montrer l’état transitoire de ces espaces, de les rendre autrement visibles. Cette vision binaire de lieux de construction et de création permet de saisir, au moyen de différents points de vue, la réalité — déambulatoire et préparatoire — de Rocher. Cette dernière extirpe la photographie analogique et numérique de ses limites traditionnelles par des méthodes transgressives de production et de (re)présentation.

Pour son exposition à AXENÉO7, Lucie Rocher déjoue et rejoue les composantes architecturales du bâtiment de La Filature par le biais d’effets illusionnistes, de stimuli visuels, d’embuscades matérielles et de dispositifs-structures hors-normes et protéiformes. Les espaces de galerie s’apparentent à des chantiers urbains, en raison notamment des diverses interventions architectoniques, et des matières usuelles et résiduelles sur lesquelles les photographies sont disposées. Inhérentes à ces supports, les images génèrent leurs propres variations de spatialisation et révèlent des tensions formelles insoupçonnées.

À l’intérieur de la galerie fenêtrée, une immense photographie, montrée sur une boîte lumineuse derrière laquelle un fluorescent s’avère suspendu, est directement posée sur sa caisse de transport. Cette image provient de la documentation d’une exposition post-résidence présentée au palais des paris dans la ville de Takasaki à proximité de Tokyo en 2018. Cette photographie s’affirme devant la série de fenêtres telle une mise en abyme de son sujet et provoque une ouverture, un débordement où l’écart temporel et visuel entre le Japon et la ville de Gatineau se réduit. Des lignes peintes au mur renforcent les composantes architecturales de la galerie — les fenêtres et les poutres — et s’ajoutent à celles déjà présentes dans l’image. Parallèlement à cette pièce, une image réalisée avec une caméra 360 degrés est imprimée à même un miroir rond. Ce tondo photographique témoigne des expérimentations que Rocher a effectuées dans cet espace en juin dernier durant une résidence au Centre de production DAÏMÔN.

Dans l’espace subséquent, les œuvres bidimensionnelles et tridimensionnelles jouent habilement de la circulation et de la contemplation. Une fois engagé.e.s à l’intérieur de la galerie, les visiteuses et visiteurs sont confronté.e.s à des images présentées sur des dispositifs édifiés avec précision. Des interstices colorés de même que des manipulations dans les cloisons rappellent le rapport de force qui s’établit entre le lieu et les œuvres. Accrochées ou appuyées au mur, parfois posées au sol, ces installations ne déterminent pas de parcours. Dans un angle de l’espace, une photographie-maquette décline le principe du trompe-l’œil : un bâtiment capté par Rocher à Gatineau est reconstitué en une géométrie illusoire par le biais de son support d’apparition, des pièces de Plexiglas. Dans l’ouverture reliant habituellement les galeries s’insère un immense caisson de transport — socle. La variation d’échelle altère radicalement la perception, l’interaction, ainsi que la réception de celle-ci, et ce, tout en révélant ses potentiels formels qui rappellent au passage les constructions de Simone Forti ou de Robert Morris. L’ajout de fluorescents à cette percée strictement architecturale accentue cette particularité du lieu.

État des lieux échafaude des associations entre l’usuel et le banal. Par des gestes photographiques qui construisent autrement notre rapport à l’architecture urbaine et à des espaces transitoires de création, Lucie Rocher accroît la présence de ces lieux conditionnés et indéterminés à la fois, habituellement peu observés.

— Jean-Michel Quirion, directeur

Lucie Rocher vit et travaille à Montréal depuis 2013. Elle a obtenu une maîtrise en arts visuels à La Sorbonne (Paris, 2011) et elle a complété récemment un doctorat en études et pratiques des arts à l’Université du Québec à Montréal. Des expositions individuelles lui ont été consacrées notamment à la Maison de la Culture Frontenac (Montréal 2017), à VU (Québec, 2018) et à Occurrence (Montréal, 2019). Elle a également participé à plusieurs résidences internationales (Islande (2015), Québec (2016, 2019), Japon (2019)). Elle était en résidence au Centre de production DAÏMÔN (Gatineau) en juin 2020 pour préparer une exposition personnelle que lui consacre AXENÉO7 à partir de septembre 2020.

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